Massimiliano Nardulli
Né à Rome en 1976, Massimiliano Nardulli a vécu et travaillé dans toute l’Europe ces vingt dernières années. En tant que directeur artistique, commissaire d’exposition et programmeur de films, il a travaillé pour des festivals tels que Brest, Winterthur, Tirana, NexT, Timishort, Istanbul, ShorTS Trieste, Lakino, Biarritz Amérique Latine, Arcipelago. Il est l’un des créateurs du Talents and Short Film Market en Italie, du Fulgor Lab en Espagne et de l’initiative Talents Generator Factory. Massimiliano est un des piliers de l’aventure de LIM I Less is more depuis le début, et en devient Directeur Artistique en 2024. En parallèle, il travaille en tant que scénariste, scénariste-consultant et mentor, coachant des talents émergents dans di érents programmes. Il est également compositeur de bandes sonores pour le cinéma.
— Dans le cadre de sa 5ème saison – l’équipe du StoryTANK a souhaité tenter une nouvelle expérience, sous la houlette de 6 chercheurs captivés et captivants. Il s’est agi de tester et filmer le surgissement d’idées de récits dans des dispositifs expérimentaux créés par LA FABRIQUE DES MONDES, dispositif unique en Europe qui se construit au Groupe Ouest depuis 2023, sous l’égide du Ministère de la Culture français.
L’expérience a été proposée à 6 scénaristes ou cinéastes, venus de 6 pays d’Europe. Le StoryTANK permet ici d’explorer et éclairer la pratique.
Décryptage, ci-dessous, par Massimiliano Nardulli, au fil de son retour d’expériences.
LA GROTTE
RESSENTIR LE RÉCIT PLUTÔT QUE DE LE CONCEPTUALISER
«C’est une chose de conceptualiser, de penser, de réfl échir, et c’en est une autre de vraiment sentir à un niveau émotionnel et rationnel.»
Quand on entre dans la Grotte, on ne sait pas ce que l’on va y trouver. Nous n’entrons pas directement: on a un petit moment de préparation avec des outils différents qui nous donnent l’opportunité d’essayer de faire en sorte que cette Grotte soit comme une petite maison dans laquelle on peut développer des idées. Le fait de ne pas y entrer seul, mais au sein d’un groupe, permet de trouver un équilibre façonnant une logique commune de développement: de se placer dans une position de curiosités multiples, au sein d’un cerveau collectif. Il y a des composantes qui résonnent immédiatement, comme des évidences. Ce qui est le plus surprenant est de prendre conscience que c’est une chose de conceptualiser, de penser, de réfléchir, et c’en est une autre de vraiment sentir vivre tout ça dans un espace concret, mêlant un niveau émotionnel et un niveau rationnel. La Grotte permet ça.

LA GROTTE COMME ESPACE PROTÉGÉ DE GÉNÉRATION DU RÉCIT
«C’est fondamental de cheminer dans un espace qui ne soit pas seulement visuel, mais qui devient de plus en plus immersif.»
J’ai tout de suite la sensation, dans la Grotte, que je suis dans un espace protégé, où je peux tranquillement voir et imaginer des choses, composer des connexions mentales, tout seul et en groupe, sans jamais penser à l’extérieur. On lance des idées, et des expérimentations, des possibilités pour développer au mieux la petite graine du récit qui germe, depuis le début de l’expérience. C’est une immersion totale, qui inclut les autres. C’est fondamental de cheminer dans un espace qui ne soit pas seulement visuel, mais qui devient de plus en plus immersif.
LA CHAMBRE NOIRE
LA CHALEUR DANS L’ALTÉRITÉ POUR CRÉER LE RÉCIT
«La Chambre Noire est émotionnelle.»
La Chambre Noire est émotionnelle. Le fait de ne pas voir, d’être immergé dans l’obscurité, d’être entouré par d’autres que tu ne vois pas, mais que tu sens: ils respirent, ils cogitent – les sentiments sont là. Cette chaleur, que tu ressens dans l’obscurité, il n’y a pas besoin de caméra thermique pour la sentir et la voir. Elle est fascinante, aussi bien mentalement que physiquement.
LES SILENCES POUR STIMULER LE RÉCIT
«Les silences expriment plus que mille paroles.»
Dans la Chambre Noire, parfois, seulement la respiration ou un petit mouvement de droite/gauche d’un des co-auteur·trice·s te fait sentir partie de quelque chose, être beaucoup plus fort et beaucoup plus profond que par la simple vue. Les silences, plus que la parole, ont une force incroyablement puissante. Parfois, les silences expriment plus que mille paroles et permettent à la Chambre Noire de nous solliciter et de nous stimuler beaucoup, physiquement et mentalement. C’est un double moment de communication je dirais, une communication avec l’intérieur de toi-même – l’obscurité que tu as en toi qui doit ressortir, et une communication avec les autres et pour le récit en composition.

LA QUÊTE D’UNE GENÈSE DU RÉCIT
«Donner naissance à une voix possible d’un personnage»
La Chambre Noire est un dispositif que l’on peut utiliser de manière très personnelle, tout en étant connecté à l’autre, pour des recherches intérieures sur un personnage et donner naissance à une voix possible de ce personnage et, ainsi, la faire véritablement vivre, aller la chercher dans les profondeurs de son propre esprit. Expérimenter la Chambre Noire, seul ou accompagné permet une transcendance, pour chercher dans des recoins intimes et enfouis ce qui peut nourrir un personnage, une situation, le récit, dans sa globalité.
LE PLATEAU
TOUCHER LE RÉCIT QUI NOUS DÉPASSE
«La texture des choses, c’est comme la texture des idées.»
Sur le Plateau, on bouge dans l’espace, à travers notamment des allers-retours, en marchant: on a la sensation de faire partie de quelque chose de plus grand, avec la possibilité de toucher des éléments et, de voir certains de ces éléments communiquer avec nous. C’est comme quand on voit un arbre qui est très beau, on a envie de passer la main dessus pour toucher, pour sentir la texture. La texture des choses est comme la texture des idées.
LA COMPOSITION DU RÉCIT À L’UNISSON
«Le Plateau: la plus collective et collaborative des trois expériences.»
Le Plateau est, certainement, la plus collective et collaborative des trois expériences. On a réussi à se compléter, avec nos différentes visions, de manière très naturelle. Et même si nous avons suivi un fi l rouge guidé par l’un d’entre nous: on était à l’unisson. L’orchestre jouait à l’unisson, on était très bien accordés!

L’OBJET POUR DÉCUPLER L’IMAGINATION
«L’objet oblige! Il a une connexion directe au monde réel et au récit en construction.»
Il est passionnant de voir comment un petit détail peut vraiment changer beaucoup de choses et, ainsi, créer des possibilités. Sur le Plateau, c’est comme entrer à nouveau dans la Chambre Noire, en pleine lumière, avec du monde autour. L’objet oblige, pas forcément intellectuellement, à être pragmatique et à générer des éléments narratifs précis, avec une connexion directe au monde réel ou au passé ou au futur du récit en composition. Utiliser cet objet et l’intégrer au récit est un moyen de déployer d’autres pistes. Le Plateau nous permet d’aller pêcher, en paix et collectivement, dans des recoins de soi-même, au sein de souvenirs, d’ idées. C’est beaucoup d’imagination décuplée.

L’IMPROVISATION COMME UNE RUPTURE : UNE FORCE DÉMULTIPLIÉE DE CRÉATION
«Rien n’est imposé et cela laisse la possibilité d’improviser.»
Le Plateau donne la possibilité d’entrevoir des choses, d’imaginer et de jouer avec ce côté imprévu, essentiel. Au sein du Plateau, on peut nous demander ou décider nous-même de déclencher une action, différente ou similaire à celles des autres. Rien n’est imposé et cela laisse la possibilité d’improviser. L’improvisation est toujours synonyme de créativité et de possibilités: une sorte de rupture avec notre système de raisonnement, qui crée une force démultipliée de création, de possibilités.
LA FABRIQUE DES MONDES
L’INCONNU, L’IMPRÉVU OU L’ERREUR COMME MOTEURS DU RÉCIT
«Le métier d’auteur·trice: aller chercher la magie.»
Au sein de LA FABRIQUE DES MONDES, l’inconnu, l’imprévu ou l’erreur nourrissent le récit en composition car interpellent. À la différence des technologies, l’homme a toujours une petite imperfection qui le rend plus intéressant qu’une machine. La singularité est plus intéressante que la beauté exceptionnelle et le récit s’en imprègne.

LES RACINES CACHÉES DU RÉCIT
«LA FABRIQUE DES MONDES brise les murs que chaque auteur·trice construit pour se protéger quand il raconte une histoire.»
Les trois dispositifs expérimentaux de LA FABRIQUE DES MONDES ont un potentiel énorme: ils font ressortir ce qui est caché en nous, ils brisent les murs que chaque auteur·trice·s, d’une manière ou d’une autre, construit pour se protéger quand il raconte une histoire.